La 11ème Ascension de la Cîme de La Bonette

1993, alors qu'il m'en reste de beaux ..."restes" (justement) en course à pieds et cela grâce à ma pratique assidue du triathlon, je m'aligne avec 2 amis sur l'ascension du col routier le plus haut d'Europe.
Arrivée à 2802m d'altitude...

Une épreuve dont je me souviens très bien. Vraisemblablement la plus dure en course à pieds qu'il m'est été donné de courir. Je la compare même avec la mythique Transvésubienne en VTT et il faut bien se rendre à l'évidence, l'ascension du col de La Bonnette est déjà assez surprenante en voiture pour se faire une petite idée du monument lorsqu'on doit le gravir en courant.

Nous sommes le dimanche 1er août 1993 quand Fred, Jean-Luc et moi ; prenons le départ dès 7h00 du matin à Saint-Etienne de Tinée (alt.1140m). Malgré l'été, l'air est plutôt frais. Cela nous conforte dans notre idée qu'il va falloir mener une course prudente. Notre objectif, au-delà de l'esprit de compétition entre collègues de travail, est avant tout de terminer.
Dès les premiers mètres ; Jean-Luc, le plus âgé d'entre-nous, prend le large. Je reste aux côté de Fred et nous décidons d'unir nos forces tout en nous obligeant à nous arrêter à tous les ravitaillements. Il sera bien assez tôt dans les derniers kilomètres pour décider si nous devons nous tirer la bourre...
Au premier ravitaillement, nous sommes encore ensemble, mais j'ai comme le sentiment que ce sera un jour sans. Au deuxième, Fred m'a légèrement distancé mais je le rejoints à la table et nous repartons ensemble. Au Camp des Fourches alors que nous ne sommes qu'au tiers de l'effort, les boyaux qui me torturent depuis quelques kilomètres décident qu'il serait plus prudent de faire une pause. Je m'enfonce dans les baraquements militaires et me soulage, utilisant les herbes ici et là...
Après quelques minutes je repars en bien meilleure disposition pour en découdre. Je ne vois plus Fred et encore moins Jean-Luc. J'augmente un peu mon rythme tout en m'hydratant et mangeant au troisième ravitaillement. Entre le 15ème et le 20ème kilomètre, la pente commence vraiment à se faire sentir. Il faut dire que certaines pentes avoisinent les 8° ! J'aperçois Jean-Luc à quelques hectomètres. Il tire la patte et je le rattrape rapidement : douleur au genou. A voir ses grimaces, je pense qu'il n'ira pas au bout, il reste au moins 10Km.
Moi aussi, à l'approche du 20Km, je commence à être sec. Peut-être ai-je trop accéléré après ma pause et me suis installé dans un rythme trop élevé. Toujours pas de Fred à l'horizon.
Dernier ravitaillement, dernier verre d'eau, dernière banane. Le souffle est court. Je manque d'oxygène et mes jambes ne sont que des poteaux télégraphiques qui se meuvent par automatisme. Les crampes ne sont pas loin... Mais j'aperçois Fred en toutes petites foulée à une bonne centaines de mètres. Il alterne ; tout comme moi la course et la marche à pieds. Lequel de nous deux marchera le moins ?
Alors que nous voyons tous les deux le Col de La Bonnette légèrement sur notre gauche et qu'il ne doit rester que 1 ou 2 Km tout au plus, je me rapproche de Fred régulièrement. Il craint mon retour et ; signe qu'il n'en peut plus ; se retourne fréquemment dès qu'il se met à marcher. Il fini donc par me voir lorsque la configuration de la route le permet.
A ce moment précis, je puise dans les dernières forces qu'il me reste pour le rattraper puis le doubler. Il me reste alors 500m pour franchir la ligne d'arrivée et se seront les plus longs que je n'ai jamais couru. La pente est énorme aux abords du col et seuls ceux qui y sont parvenus à la force de leurs mollets peuvent en témoigner. Les chiffres et statistiques en pareilles circonstances ne sont plus assez parlants.

Je franchi la stèle avec quelques minutes d'avance sur Fred qui s'est carrément effondré après que je l'ai doublé.
3 heures, 9 minutes et 25 secondes de souffrances. 126 ème au scratch, autant dire dans les derniers. Mais l'objectif est atteint : terminé. Y compris Jean-Luc puisant au plus profond de lui-même et au détriment de sa santé pour franchir le rubicon.
De mon côté les efforts consentis pour finir en beauté m'ont anéanti. J'ai des crampes et préfère marcher en rond plutôt que m'arrêter net. J'ai le souffle court. Je n'ai pas le sentiment d'être en situation de défaillance, portant tout autour de moi de nombreux bénévoles offrent des masques à oxygène aux coureurs au sol, incapables de retrouver leur souffle.

Je mettrais plusieurs mois pour récupérer de cet effort. Longtemps après j'ai ressenti des petites palpitations cardiaques alors que j'était au repos bien tranquillement au fond de mon lit. Des tests ont permis au corps médical de décelé un léger souffle au coeur qui a pu être provoqué par cette épreuve, mais peut-être étais-je déjà prédisposé...

bonnette93.jpeg

Aujourd'hui encore, lorsque j'évoque cette course à pieds hors-norme; les coureurs qui y ont également participé en franchissant la ligne comparent volontiers l'effort consenti avec celui d'un marathon.
Et comme je ne pourrais plus faire un marathon, ça me console un peu...

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