La Transvésubienne, 20 ans plus tard

Attention, ça risque d'être long...
Dimanche 31 mai 2009 ; le jour se lève à Roquebilière, où j'ai passé une excellente nuit, avec un ciel voilé "juste ce qu'il faut pour un jour de course". La température à 1600m d'altitude est de 12° à 6H15 lorsque je monte dans le véhicule de "Chevelu" qui a accepté de m'amener au lieu de départ de cette Transvésubienne. Quelques 25 minutes plus tard, je débarque le VTT , casque, gants et sac à dos à quelques mètres de la ligne de départ ; et je fonce là où personne ne peut venir avec moi...

trans2009_1.JPGJe croise de nombreux membres du forum "1001 sentiers" et nous nous saluons tous avec de grands sourires et des yeux d'enfants devant leur cadeau de Noël. Cependant, je monte sur mon VTT pour effectuer quelques tours de pédales sur la partie plate de la route, serrant encore quelques mains au passage, avant d'attaquer une montée par la piste juste assez loin pour voir mon état de forme. Je me sens bien. Je bois déjà quelques gorgées d'Isostar.
Les premiers concurrents sont appelés dans l'ordre des dossards sur la grille de départ. Avec mon numéro 130, je suis à mon tour appelé pour prendre ma place juste derrière les cadors.
Drôle d'impression de se retrouver presque côte à côte avec Julien ABSALON, double champion olympique ; Nino SHURTER, médaillé de bronze aux J.O. de Pékin ; de nombreux champions du monde, d'Europe, de France ; et quelques outsiders régionaux qui ne vont pas faire que de la figuration. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette année le plateau est relevé. Est-ce la présence de Julien ABSALON ou tout simplement le retour à l'itinéraire mythique de la Transvésubienne ? J'opte sans hésiter pour la deuxième hypothèse puisque c'est également celle-ci qui m'a décidé à y revenir.
Petit aperçu de ce parcours magnifique avec la trace GPX grâce aux services du site web "Skitour" :

Nous sommes à une poignée de secondes du départ. Georges EDWARDS, l'organisateur, vient de terminer le briefing. Deux hélicoptères (un vrai et un modèle réduit muni d'une caméra) se placent juste en face de la ligne de départ pour immortaliser la fuite en avant que plus de 550 participants attendent maintenant avec impatience. Et la banderole de soulève au son du starter.

DSC00013.JPGEt c'est parti pour 86 Km de pur VTT. Nos pneus ne rencontreront que très rarement du goudron. Le peloton s'élance sur une descente sur piste de ski de 500 mètres avant d'attaquer la grimpette vers le Col de la Madeleine. Dès la première rampe, je suis victime d'un vulgaire saut de chaîne. Cette dernière vient se loger entre mon plus gros pignon et les rayons de ma roue arrière. Tous les essais de mon matériel, la semaine précédente n'ont pas mis en évidence ce problème de réglage de dérailleur. Trop tard pour s'appesantir. Je descends du vélo et sors la chaîne coincée en 2 ou 3 minutes. Ça peut vous paraître long, mais je ne veux surtout pas tordre un maillon. Oui mais voilà, je me retrouve alors parmi les vingt derniers concurrents. Tous mes efforts pour obtenir une place privilégiée sur la grille de départ sont anéantis. Je descends un rapport avant de remonter sur le VTT et me dis maintenant que le pire qu'il pouvait m'arriver est passé. Et fort heureusement, les évènements ne me feront pas mentir.

Petit à petit je remonte des amis bikers ; dont "Shostag", mais surtout, je reste à l'écoute des mes sensations. Je continue de boire régulièrement par petites gorgées, et parvenus au col, j'absorbe mon premier gel énergétique. Petit désagrément dû à mon pépin mécanique, je me retrouve coincé dans la masse des concurrents, et il m'est difficile de doubler sur le sentier étroit que nous empruntons maintenant vers le Mont Tournairet et la Cîme de Belgarde. Difficile mais pas impossible et sentant que mes jambes répondent bien, j'ose de nombreux dépassements qui me font monter les pulsations cardiaques, mais je récupère apparemment assez vite malgré l'altitude. Je me dis alors que je suis vraiment dans un très bon jour. Je me sens fort. J'ai le moral au beau fixe.

Nous approchons du mythe ; le Brec d'Utelle que bon nombre de vététistes redoutent. A l'occasion d'autres dépassement, quelques un donnent déjà des signes de fatigue. D'autres angoissent et voyant mon maillot "1001 sentiers" local, me demandent quelques renseignements sur les difficultés à venir. Ma réponse est toujours la même :

"Gardez-en sous la pédale, ce n'est pas fini".

Je franchi le Brec sans encombres et suis un peu désappointé de constater que je suis obligé de redescendre à pieds alors qu'à l'entrainement tout passe sur le VTT excepté cette satanée marche au début de la descente. Nous sommes à la "queue-le-le" et il est impossible de tenter de descendre sur le vélo où le mot "tout-terrain" prend toute sa dimension. Je double "Olivier" qui assure la descente à pieds alors que je tente tout de même une descente à vélo, mais peine perdue, je me fatigue plus à monter descendre du VTT qu'à marcher-courir à coté. Les bikers des plats pays comprendront ici pourquoi les meilleurs vététistes nationaux sont ; pour la plupart ; de notre région.

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Me voilà à Utelle où de nombreux spectateurs sont venus nous encourager. Le soleil commence à chauffer et je continue de boire et de m'alimenter comme il faut. Les jambes tournent toujours aussi bien. Je double encore et toujours, lentement, mais surement.
L'ascension vers la Madone d'Utelle et le ravitaillement qui nous y attend se passe encore sans véritable difficulté pour moi. Le long portage qui coupe les épingles me paraît même facile alors que lors des reconnaissances j'étais toujours passé par le sentier, persuadé que le jour "J" il me faudrait l'emprunter pour garder des forces. Mais je suis trop bien, je coupe direct vers le sommet que je franchi en dépassant encore quelques vététistes.
Au ravitaillement, je retrouve "Easyrider", et nous entamons ensemble la descente tout aussi technique, voire limite "dangereuse" sur les 200 premiers mètres ; en direction du Col d'Abellarte. Je peine à suivre "Easyrider" qui me lâche avant que je ne le retrouve dans la première remontée en portage. C'est à nouveau ensemble que nous dévalons alors vers le premier point de contrôle horaire du Pont du Cros. "Easyrider" me sème une nouvelle fois alors que je lui suggère de gérer sa course comme je le fais ; mais il n'en fait rien.
J'ai 1H05 d'avance sur l'heure de pointage lorsque je commence le long portage vers Levens. J'en suis peut-être déjà à mon troisième ou quatrième gel énergétique, et j'ai déjà absorbé plus de 3 litres d'eau alors que nous approchons la mi-course.

Petite pause photo avec cette visite virtuelle de la Transvésubienne. Vous pouvez changer de lieu de prise de vue en cliquant sur les points verts.

Une fois de plus je reviens sur "Easyrider" et le dépasse. Il est perclus de crampes. Personnellement les premiers tiraillements au niveau des arrières-cuisses font leur apparition, mais disparaissent assez vite. Je sens que mon corps me réclame du sel que je n'ai pas. Je franchi la route de Levens en un peu plus de 40 minutes et attaque la seconde partie du portage qui nous mène sous le Mont Férion. Je connais alors à mon tour un sévère coup de "moins bien". Si mes jambes répondent encore bien, c'est mon ventre qui se tortille. J'ai des nausées et je me sens un peu fatigué. Alors que la fin de l'ascension arrive, je profite d'un petit ravitaillement et de la présence de spectateurs pour m'arrêter pour 10 minutes de pause. Elles me seront d'un grand bénéfice, car après avoir tenté de manger du solide (en vain), mais surtout bu davantage ; je me surprend à me refaire une santé quelques 20 minutes plus tard dans le travers qui nous mène au Pré de Cavalier. Le petit portage de 5 minutes un peu plus loin me semble assez dur tout de même mais voyant que je vais arriver dans les temps pour le second pointage à Sainte Claire, je continue de gérer mes efforts, mon alimentation et mon matériel. Toujours pas la moindre crevaison. pourvu que ça dure.

Quinze minutes. C'est le temps d'avance qu'il me reste à Saint Claire lorsque je pointe. J'apprendrais par la suite que ce temps a été porté à 15 minutes de plus pour éviter une hécatombe de concurrents en difficulté. Ne me reste plus qu'à gravir le Mont Cima qui ne me fait pas peur car nous le contournons sur sa plus grande partie ; et je franchi cette avant-dernière difficulté sans encombres. Par contre je tombe en panne d'eau dès les premiers hectomètres de portage vers le sommet du Mont Chauve, qui nous laisse entrevoir la mer Méditerranée et l'arrivée. Un biker me dépanne de quelques centilitres, nécessaire à rejoindre le ravitaillement qui nous attend au sommet.
Je sais maintenant que je vais aller au bout, mais je ne laisse pas retomber mon attention. Je suis assez fatigué, mais c'est une fatigue qui ne me fait plus sentir la douleur, et en écrivant ces lignes, je me dis que j'étais sûrement dans un état second à ce moment là car mes souvenirs sont assez flous.
Encore de nombreux spectateurs pour nous encourager dans les derniers lacets du Mont Chauve et je bascule dans ce que je croyais être la dernière descente vers la mer. Encore du technique, et malgré la fatigue (mais nous en sommes tous au même point), je me surprends à en doubler encore une bonne dizaine dans la descente.
Et puis mauvaise surprise. La seconde partie qui nous mène de la route de Falicon à Saint André est un vrai calvaire pour moi. C'est un sentier fraîchement tracé par l'organisation et que je n'ai pas reconnu. La pente est terrible et je décide de descendre à pieds. Si près du but, je ne veux pas prendre de risque, et mon état physique ne me donne pas toutes les assurances dont j'aurais besoin. La partie finale est carrément dans ce que tous les coureurs appelleront "la jungle" car par endroit, le guidon passe à peine. C'est un succession de montées et de descentes "casse-pattes" où le VTT s'accroche aux branches, quand ce n'est pas dans les ronces.

Je débouche enfin sur les rives du Paillon qui nous amène à l'arrivée. Je ne suis plus moi-même. Je ne sens plus rien. Ni mon cœur qui se serre d'émotion, ni mes jambes qui tournent encore et toujours... Par automatisme. Je dois me relâcher un peu car quelques coureurs reviennent sur moi et me dépassent. Certains passages dans le lit du Paillon sont pénibles, et je trouve l'eau un peu froide en plus d'être sale.
Peut-être suis-je désormais incapable de répondre à la moindre sollicitation de mes 5 sens. Mais je continue de regarder droit devant en prenant soin de choisir mes trajectoires dans cette succession de galets. "Suivre la peinture verte", c'est mon obsession.

Je prends quelques secondes pour passer un petit coup de fil à ma femme qui m'attends depuis 16H00 sur la ligne d'arrivée avec mes enfants qui n'en peuvent déjà plus d'attendre. Puis je monte un petit escalier de béton. Un monsieur attrape mon VTT que j'ai pour l'ultime fois porté sur mon dos endoloris. Reste 2 ou 3 kilomètres de bitume.
Je rentre dans le tunnel du Paillon qui débouche sur la ligne d'arrivée. Les larmes coulent sur mes joues. La lumière du jour apparaît, les premiers sons du speaker, la musique. Dernière rampe de 50 mètres pour refaire surface, les spectateurs applaudissent. Deux virage à droite. Je vois la Promenade des Anglais, les jardins "Albert Ier", et le portique d'arrivée.

C'est la délivrance.
Je l'ai fait !

J'embrasse ma femme et mes enfants. Si je suis là, c'est un peu grâce à eux. Je ne voulais pas les décevoir.
Mais je ne voulais pas me décevoir moi-même ; à 4 jours de mes 40 ans. Je viens de m'offrir le plus beau cadeau que je puisse imaginer.

Merci à tous mes supporters sur le bord de ce long chemin. Merci pour les photos déjà parues et à venir.
Merci à ma femme de m'avoir permis de me préparer comme je le souhaitais alors que les impératifs familiaux étaient parfois "serrés".
Merci à l'organisation de la Transvésubienne. Cette course que Julien ABSALON qualifie de "la plus dure du monde" est un mythe du VTT.

Je reviendrais.

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